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  1. #1
    Leslie Nielshun Président d'honneur Avatar de Shun
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    [Divers] Le titre de 2000

    Il n'y a pas d'article dédié au magnifique titre de 2000 ? Réparons l'erreur : il se trouve que SoFoot a eu le bon goût de publier non pas un ni deux, mais TROIS articles sur cette équipe magnifique. Marcelo Gallardo, David Trézéguet, Marco Simone et consorts, menés par le tacticien en herbe Claude Puel... que de souvenirs !

    CLAUDE PUEL : « L'ÉQUIPE DE 2000 ÉTAIT COMPLÈTEMENT HORS NORME »


    MARCELO GALLARDO, DERNIER ESTHÈTE DU SIÈCLE


    MARTIN DJETOU : « MÁRQUEZ, JE L'APPELAIS PETE SAMPRAS »


    Et merci à TimeBomb (je crois ?) pour ces beaux articles

    PS : si d'aventure les articles venaient à disparaitre de la sphère du web, je les copie/colle ci-dessous, mais je rappelle à toutes fins utiles qu'ils proviennent de sofoot.com.
    Pour des soucis de lisibilité, les articles sont tous insérés individuellement dans un nouveau message.
    Dernière modification par Shun ; 31/12/2020 à 09h02.
    Label "El-Kl0chard". Pour ceux qui n'échangeraient pas un bac de lessive Omo contre deux d'Ariel.

  2. #2
    Leslie Nielshun Président d'honneur Avatar de Shun
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    CLAUDE PUEL : « L'ÉQUIPE DE 2000 ÉTAIT COMPLÈTEMENT HORS NORME »

    À l'hiver 1999, l'ancien milieu de terrain faisait ses grands débuts d'entraîneur sur le banc de l'AS Monaco. Seize mois plus tard, il remportait le dernier championnat du siècle à la tête d'une équipe d'esthètes. Retour avec l'actuel coach de l'ASSE sur un début de carrière où rêve et réalité étaient parfois dans le même camp.

    En janvier 1999, vous avez pris les rênes de l'équipe première de l'AS Monaco pour faire face à la démission de Jean Tigana. Vous vous y attendiez ?
    Non, pas du tout. J'étais entraîneur adjoint avec Jean-Luc Ettori, Jeannot Petit, Jacques Devismes... J'étais à la préparation physique et je coachais l'équipe réserve. J'ai appris la démission de Jean Tigana par lui-même. Je suis arrivé à l'entraînement, il est sorti du bungalow qu'on avait à l'époque pour me dire qu'il arrêtait, qu'il démissionnait. Et puis, il est parti, sans me donner d'explications. Cinq minutes après, le président Campora est arrivé et nous a réunis avec Henri Biancheri (alors directeur sportif de l'ASM, N.D.L.R.) et les membres du staff pour nous annoncer qu'on allait reprendre l'équipe pour le match suivant, à Strasbourg. C'était un intermède pour un match simplement. Campora cherchait un remplaçant à Tigana. C'était match après match, je n'avais pas vocation à reprendre l'équipe et ça s'est finalement étiré jusqu'à la fin de saison. Je crois qu'on était onzième au mois de janvier et on a fini au pied du podium, à un point. Il nous a manqué une victoire à domicile, contre Marseille. Bordeaux nous en a voulu... On était sur une gestion à court terme, je ne m'étais pas du tout projeté. J'arrivais en fin de contrat, je n'avais pas négocié quoi que ce soit. J'avais un contrat d'entraîneur adjoint et je ne savais pas du tout ce qui arriverait en fin de saison. Le prince Albert a voulu que je continue. La décision est surtout venue du palais. Le président Campora, lui, cherchait un nom pour Monaco. On était dans un très grand club et il avait d'autres vues pour entraîner Monaco.


    Dès le début de la saison 1999-2000, vous craignez même qu'on vous coupe la tête...
    Je ne crains rien du tout, ce n'est pas mon style, mais mon statut n'était pas bien affirmé. Il fallait remettre l'équipe en place, trouver des automatismes. Les premiers résultats ont été laborieux. On commence par un match nul contre un promu et une défaite à l'extérieur... De suite, le président cherchait une alternative. J'avais même eu une proposition de m'adjoindre un conseiller que j'ai refusée. Les matchs d'après, on a commencé à décoller, à trouver de la complémentarité, une alchimie, et à livrer des matchs d'une grande qualité. J'avais fait un 4-4-2 avec beaucoup d'équilibre de part et d'autre. J'avais reculé Lamouchi devant la défense, mis Gallardo, qui avait toujours joué en numéro 10 derrière l'attaquant en Argentine, à gauche pour rentrer sur son pied droit. Marcelo, au début, faisait un peu la tête que je le mette à gauche. Mais, au lieu d'être pris au marquage par le milieu défensif adverse, il rentrait dans l'action derrière les lignes, entre les milieux et les défenseurs. Il arrivait en course, plus libre. De l'autre côté, Ludo Giuly restait sur la ligne, amenait de la percussion, de la vitesse. Devant, Trezeguet et Simone étaient capables de combiner et de marquer. Lamouchi avait la touche technique, il était capable de percuter aussi. Costinha et Djetou étaient plus dans la récupération. Nos défenseurs avaient aussi une grosse touche technique : Márquez, Christanval, Léonard... Puis, Fabien Barthez était capable de jouer au pied. C'était une addition de joueurs hors norme. Et quand on arrive à les insérer dans un schéma en utilisant leurs qualités, on assiste à du spectacle. Pour une première saison complète, le ressenti que je pouvais avoir avec cette équipe, je ne l'ai presque jamais retrouvé ensuite. L'accomplissement de l'expression collective d'une équipe avec une multitude de joueurs aussi talentueux et jeunes, c'est un truc de dingue. Nos seuls joueurs expérimentés, c'étaient Marco Simone et Fabien Barthez. Et Sabri, qui était encore jeune, mais déjà très mature.

    Beaucoup de ses coéquipiers de l'époque soulignent justement le rôle prépondérant qu'a eu Lamouchi au sein de cette équipe.
    À la fin de la saison 1998-1999, Sabri Lamouchi était venu me voir et me demander si je comptais sur lui pour la saison suivante. Je crois qu'il avait des contacts avec Bordeaux. Je lui ai dit : « Écoute, ça dépendra de ce que tu me montres. Pour moi, tu ne pars pas titulaire et tu devras gagner ta place. » Je lui avais parlé franchement, comme j'ai l'habitude de le faire. Sur le moment, ça lui avait mis un petit coup. Mais quand il est revenu à la préparation, c'était un autre joueur. Il était revanchard. Il fallait presque le freiner à tous les entraînements. Il amenait les autres derrière lui. Ça s'est confirmé en match. En le faisant reculer devant la défense, il avait ce leadership naturel où il initiait à la fois techniquement et dans l'état d'esprit. On avait des joueurs qui sont allés dans les plus grands clubs européens par la suite, c'est dire la qualité et la personnalité qu'il y avait dans cette équipe. Chaque fois qu'on concédait un but, dès l'engagement, les premiers ballons étaient vers l'avant. C'était exceptionnel de voir cet allant, ce caractère. On avait trouvé un système où tous les joueurs parvenaient à apporter quelque chose. C'était un vrai plaisir : une vraie équipe, une force collective, une complémentarité et un caractère.



    Ce qui saute aux yeux quand on se refait le film de la saison, c'est l'aspect très instinctif dans la manière de jouer de l'équipe. Ce qu'elle accomplissait paraissait paradoxalement aussi naturel qu'élaboré. La diversité des actions, le grand nombre de buts spectaculaires, même dans ceux que vous encaissiez, donnent la sensation d'un football plus enjoué que la Ligue 1 d'aujourd'hui. Après plus de vingt ans sur les bancs, vous partagez cette impression ?
    Sans faire l'ancien qui dit « de mon temps... » parce que je suis encore dans le présent, le football français des années 1970, 1980, 1990, c'était du football technique. Quand on regarde les grandes équipes de Saint-Étienne, Nantes, le Monaco de 1978, le Nice de Guillou, Jouve, Huck... Le football, c'était avant tout de la technique, et la majorité des joueurs, pour ne pas dire tous, présentaient de la gestuelle, de la technicité. En France, il y a eu une évolution petit à petit sur un football plus direct, une recherche du physique parfois au détriment de la qualité technique. Pour voir des buts spectaculaires, de qualité ou de gestuelle, il faut les joueurs pour. Des joueurs qui aient le sang-froid devant le but, une gestuelle qui surprennent l'adversaire. Le propre de notre équipe en 2000, c'était de respecter à la fois un schéma et l'expression individuelle. Mettre un schéma en place, ce n'est pas brider les joueurs. C'est leur donner un cadre. Une fois que le cadre est donné, il faut faire appel à l'expression et à la qualité des joueurs. Si vous mettez un ou deux joueurs techniques à côté de deux ou trois joueurs qui ont du mal à contrôler, faire une passe, voir le jeu ou sans gestuelle devant le but, automatiquement, vous avez de la pauvreté et vos actions s'arrêtent. À Nice, avec Hatem Ben Arfa, on a parfois marqué des buts magnifiques après onze ou douze passes à une ou deux touches de balles, des enchaînements, des lignes de passe, des passes cachées, une gestuelle. C'est ça, le foot. Là, on prend du plaisir. Cette équipe de 2000, il y a des moments, je me régalais, pff... Je prenais un plaisir immense. Après, de temps en temps, il fallait bordurer, faire attention, manager, les remettre en place parce qu'il y avait beaucoup d'ego, de personnalité malgré la jeunesse. Ça m'est arrivé de sortir Willy Sagnol au bout de vingt-cinq minutes de match parce que ce qu'il faisait ne m'allait pas. Il n'écoutait pas, était absent, je le bougeais et je n'avais pas de réaction, alors je le sortais. C'était particulier, mais c'était pour son bien et celui de l'équipe. Il ne m'en a pas voulu. Il m'a invité quand il était au Bayern, m'a reçu chez lui... Cette équipe-là, il fallait la maintenir parfois pour qu'il y ait toujours des joueurs qui restent au service du collectif tout en laissant libre cours à l'expression individuelle.

    C'était votre première saison complète en tant qu'entraîneur principal au niveau professionnel. Vous considérez que cette fraîcheur était un avantage ou, avec l'expérience accumulée depuis, vous estimez que vous auriez pu faire encore mieux ou différemment sur certains points ?
    Je pense que là où j'ai manqué d'expérience, c'est sur la deuxième partie de saison, parce que j'ai eu à traiter des choses hors norme. Aujourd'hui, j'aurais une autre réponse. On était imprenables, quoi. À un moment, on joue à Lyon, et si on gagne, on se retrouve avec quinze ou dix-sept points d'avance... On était attendus, et Gallardo s'est fait agresser. Ce n'était plus du foot. Ça a suivi à Marseille. C'était devenu n'importe quoi. Ça a cassé quelque chose. Marcelo s'est fait frapper, lyncher dans les couloirs à la mi-temps. Et il a eu l'impression que certains de ses partenaires ne l'avaient pas défendu ou pas assez défendu. Ça a cassé la dynamique du groupe, on a fini en queue de poisson. Trois jours après, on avait la demi-finale de Coupe de France contre Nantes, on la perd parce qu'on n'y est pas... On a fini la saison... Pas en roue libre... Mais ce n'était plus pareil. À Marseille, à la mi-temps, j'aurais dû prendre la décision de ne pas revenir sur le terrain. C'est la décision que j'aurais dû prendre, même si elle aurait été lourde de conséquences. Aujourd'hui, c'est ce que je ferais. Marcelo, il était inarrêtable... Et l'arbitrage était plus permissif à l'époque. Ce genre de joueurs était moins protégé. C'est dommage qu'on n'ait pas gardé cette équipe la saison suivante. Trezeguet, Barthez, Lamouchi et Sagnol sont partis. Il y avait quelque chose qui s'était cassé. On n'avait pas réussi à protéger l'équipe. Parce qu'il s'est passé bien autre chose en coulisses... Voilà. J'étais un jeune entraîneur et le président n'avait pas l'habitude de beaucoup me consulter par rapport à certaines choses. C'est pour cette raison que, quand je suis parti de Monaco, je me suis promis d'avoir un impact sur les décisions de recrutement ou de départ. Ça a conditionné ma manière de faire ensuite.

    Ce Monaco est sans doute l'un des meilleurs de l'histoire, mais, à la différence d'autres grandes équipes de l'ASM, il n'a pas connu ce frisson européen qui marque les esprits. Cette élimination un peu inattendue en huitièmes de finale de Coupe de l'UEFA contre Majorque, comment l'expliquez-vous ?
    À ce moment-là, il y avait pas mal de choses à régler autour de l'équipe. Des choses ont été permises, des manifestations hors football à trois ou quatre jours d'un match européen que j'avais refusées et que d'autres ont accordées. Tout cela est venu interférer dans la préparation de l'équipe, l'a déviée de ce cadre qui était important pour que chacun reste mobilisé et que les comportements individuels ne prennent pas le pas sur ce que doit être le collectif. Il y a eu de la permissivité qui, petit à petit, a mis à mal tout ça. C'était, je dirais, le début de la fin. La gestion de ce qui s'est passé à Lyon et à Marseille ensuite, et la gestion de certaines choses en coulisses ont mis fin à la saison avant même qu'elle ne se termine. C'était une équipe complètement hors norme. Pas seulement en France, au niveau européen. Mais comme elle a eu un vécu assez bref, elle n'a pas eu le temps d'avoir un impact, de faire des choses à sa dimension. Il y a un petit goût d'inachevé.



    C'est la meilleure équipe que vous ayez eu à diriger dans votre carrière ?
    J'ai entraîné des équipes très performantes. À Lille, on a réussi à monter sans aucun moyen une équipe qui est allée battre Manchester United, le grand Milan... Même avec Lyon, on a battu le Real Madrid... Mais, dans l'équilibre général, dans la force qu'elle a dégagée, j'ai vécu pendant huit mois un plaisir absolu avec cette équipe de Monaco. J'ai retrouvé un petit peu cette sensation à Leicester. J'ai fait évoluer l'équipe la deuxième saison, j'ai pris des joueurs avec des profils techniques, des jeunes... Ce qu'elle a présenté par moments, sur quelques matchs parce qu'elle manquait de maturité, m'a fait retrouver un peu cette sensation. On gagne à City, à Chelsea, mais je me souviens surtout d'un match à Tottenham que l'on perd, mais avec un jeu extraordinaire, des occasions, une alchimie entre les joueurs. On ne le gagne pas par manque de maturité, mais je me suis dit : « Ça y est, l'équipe est prête, elle est bâtie. » C'est rare dans une carrière de sentir l'alchimie, d'avoir la sensation que chaque joueur est au bon poste, que la complémentarité est parfaite.

    On a un peu le sentiment que vous avez commencé votre carrière d'entraîneur par la cerise sur le gâteau. Ça ne doit pas être évident de courir après cette sensation initiale.
    Oui, et pas seulement parce qu'on a gagné le titre, mais aussi parce qu'il y avait cette alchimie. Quand on arrive quelque part, quand on hérite d'un groupe, il faut essayer de créer un collectif, mais on est dépendant de l'effectif que l'on a à disposition. En restant dans une équipe, on peut la modeler, trouver les joueurs adéquats, trouver cette complémentarité. Dans mon parcours d'entraîneur, j'ai toujours essayé de construire des équipes avec de la technicité, du cœur, de l'allant, joueuses. Je reste profondément supporter de joueurs qui me font vibrer, me surprennent, qui voient des choses que je ne vois même pas du banc. Quand je fais débuter Eden Hazard à Lille, le gamin a seize ans et demi et il me fait des choses extraordinaires, inattendues. C'est ça qui fait que je suis encore entraîneur. J'ai toujours soif de découvrir des joueurs qui vont me faire vibrer moi et les supporters. Quand j'étais entraîneur adjoint, Jeannot Tigana voulait un groupe restreint, dix-huit ou dix-neuf joueurs... Il ne voulait pas des jeunes à l'entraînement ou juste de temps en temps. Je lui ai dit : « Écoute, moi, je me propose de m'en occuper. » Il me dit : « Oui, mais ils ont besoin d'entraînement tous les matins. » « Pas de problème, je le leur ferai. Mais si tu les as avec toi, ils vont prendre l'habitude de s'entraîner avec les professionnels et, si jamais tu en as besoin, ils ne seront pas inhibés. Moi, je regarderai ce qu'ils font avec la réserve et je les prendrai en dehors avec d'autres séances dans la semaine pour les faire travailler. » Et donc, j'avais un groupe de sept ou huit joueurs que je prenais en séances supplémentaires, qui faisaient les entraînements pros et qui doublaient avec moi dans la journée. Il y avait Henry, Trezeguet, Christanval... On faisait beaucoup de séances devant le but par exemple. Lors de ces séances, c'était un régal. Il y avait une qualité devant le but, c'était impressionnant. Sur un travail de reprises de volée, du droit ou du gauche, David Trezeguet en cadrait dix sur dix et en mettait huit ou neuf au fond. C'était exceptionnel le pourcentage de réussite. Le positionnement, la façon d'ouvrir sa hanche très haut pour rabattre le ballon... Ces séances, on aurait dû les filmer. C'était chirurgical.

    Le duo que Trezeguet a formé avec Simone en 1999-2000 est l'un des plus prolifiques de l'histoire du championnat... La saison de Simone est exceptionnelle.
    Marco était aussi passeur que buteur. En plus de sa vingtaine de buts, il finit la saison avec une quinzaine de passes décisives... Au cours de ma carrière, j'ai eu Trezeguet, Simone, Benzema, Lisandro López, un fabuleux joueur, Vardy... J'ai été privilégié. On avait découvert Odemwingie qui était pas mal aussi et a fait une très belle carrière derrière. Les finisseurs, c'est ce qu'il m'a manqué à Southampton. On a joué contre l'Inter. On a eu un jeu magnifique, les dirigeants, l'arbitre m'avaient félicité... Mais on perd 1-0, alors qu'on avait eu une multitude d'occasions. Il faut des finisseurs pour valoriser le jeu, ce qui est mis en place et les autres joueurs.



    L'empreinte laissée par Gallardo reste indélébile dans l'esprit des supporters monégasques. Vous avez entraîné d'autres meneurs de jeu de sa trempe ?
    Je ne pense pas avoir eu un meneur de jeu aussi talentueux et complet que Gallardo. Il était capable de tels enchaînements... J'ai eu Hazard, mais ce n'était pas vraiment un meneur de jeu, davantage un joueur de différence capable de faire des passes et de marquer. J'ai eu le petit Maddison aussi à Leicester. Mais Marcelo, c'était hors norme au niveau du dribble, de la passe... J'ai eu Pjanić gamin qui était prometteur et qui a confirmé, même en reculant ensuite. Mathieu Bodmer avait quelque chose. C'était un joueur extraordinaire de technicité qu'il fallait amener, lui, dans la compétition. C'était juste la beauté du geste qui l'intéressait. Il n'était pas compétiteur. Alors que Marcelo Gallardo était un grand compétiteur. C'est pour ça qu'il énervait ses adversaires.

    Marcelo qui est devenu un très bon entraîneur. Vous pressentiez déjà à l'époque qu'il y avait potentiellement un grand entraîneur en lui ?
    Non, je ne l'avais pas deviné. L'intelligence, la réflexion autour du jeu, il l'avait. Mais le joueur, au départ, est avant tout centré sur lui-même, sur sa performance. Manager une équipe, penser pour les autres, se mettre à la disposition des joueurs et du staff, c'est un autre cheminement de pensée.
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    MARCELO GALLARDO, DERNIER ESTHÈTE DU SIÈCLE

    Avant de devenir un entraîneur qui pourrait prétendre à tous les bancs au monde, Marcelo Gallardo a été un artiste qui rendait fous ses adversaires. Arrivé en Principauté à l'été 1999, El Muñeco aura fait de Monaco une toile de maître une saison durant. Trop peu pour laisser davantage qu'une trace éphémère sur le Vieux Continent, mais bien assez pour marquer d'une empreinte éternelle le Rocher.

    Sur le Rocher, ce sont les princes qui règnent. Et sur le gazon, les princes portent le numéro 10. Depuis les années 1960, l'ASM a pris l'habitude de ne pas laisser son trône à n'importe qui, faisant de Louis-II une terre où les 10 sont tenus d'honorer leur flocage, malgré quelques régences inévitables. De Théo à Bernardo Silva en passant par Glenn Hoddle, la tradition s'est perpétuée dignement au fil des décennies. Les princes du ballon ont toujours quelque chose en commun, mais ils ne deviennent princes que par ce qui les différencie des autres princes. Si le règne court, mais intense de Marcelo Gallardo est l'un des plus mémorables qu'ait connus l'AS Monaco, cela tient avant tout à une raison : il est peut-être le seul ayant exacerbé des sentiments trop extrêmes pour l'atmosphère feutrée de la Principauté. Gallardo a régné trop fort, trop vite, aimantant en quelques mois seulement ce mélange irrationnel de passion, d'amour et de haine habituellement réservé aux stars clivantes des clubs populaires. À Monaco, les princes ont généralement le choix de s'envoler conquérir l'ailleurs ou de se laisser doucement faner par les années. Marcelo Gallardo, lui, s'est symboliquement fait abattre au sommet. Cela en fait un prince à part. Il n'a jamais connu un dernier carré de C1 ou exporté son talent dans un grand championnat du Vieux Continent comme d'autres, mais il a importé quelque chose d'inédit sur le Rocher : un parfum d'absolu.

    «  Un vrai chef, c'est celui qui demande la balle pour faire jouer l'équipe. Et il n'a pas à être désigné, il doit se voir sur le terrain. C'est le rôle qui fait le patron. »Marcelo Gallardo
    Une histoire de diagonales

    « L'une des premières choses que David m'a dites quand je suis arrivé, c'est qu'il était fan de River Plate. Il m'a confié qu'il avait été marqué par l'équipe de River avec laquelle j'ai eu la chance de tout gagner au milieu des années 1990. Ses paroles m'ont touché et m'ont permis de me sentir à l'aise d'entrée. Ses yeux se mettaient à briller quand il évoquait cette équipe de River qui l'avait tant fait rêver. » Comment les destins s'aimantent-ils jusqu'à se lier ? C'est toujours une histoire d'émotions qui entrent en collision, de rêves qui en alimentent d'autres jusqu'à façonner une réalité. À l'été 1999, orphelin de la magie d'Ali Benarbia depuis un an, David Trezeguet est encore un gamin exilé en train de digérer sa conquête du monde, et Marcelo Gallardo déjà un homme prophète en son pays qui se doit d'étendre son territoire. L'un et l'autre ont de quoi s'admirer et s'envier. Alors, ils se respectent et se lient. Cela aurait pu ne jamais arriver. Ou arriver ailleurs. Lorsqu'il pose ses crampons en Principauté, Marcelo Gallardo est un génie déjà reconnu, mais un génie en cristal. L'Europe tergiverse après lui avoir fait la cour, et les clés du jeu de l'Albiceleste lui sont souvent prêtées, mais jamais totalement confiées. Alors que le PSG s'est cassé les dents sur les exigences de River avant le mondial 1998 en se voyant refuser une offre de 90 millions de francs, les décideurs de l'ASM, eux, profitent des difficultés financières du club argentin et raflent la mise pour presque deux fois moins. « Monaco a bénéficié du renoncement des clubs italiens et espagnols après la Coupe du monde. Ils se posaient des questions sur sa fragilité physique et musculaire » , expliquera quelques mois plus tard Henri Biancheri, alors directeur sportif de l'ASM.


    Coup d’État

    « Un vrai chef, c'est celui qui demande la balle pour faire jouer l'équipe. Et il n'a pas à être désigné, il doit se voir sur le terrain. C'est le rôle qui fait le patron » , tonnait le meneur de jeu à l'automne 1999. Placé à gauche d'un quatuor offensif où il avait le choix de « valoriser la personnalité » de Simone, Trezeguet ou Giuly, la prise de pouvoir d'El Muñeco – la poupée – sur le jeu monégasque a été fulgurante : « Je n'ai même pas fait la présaison, car je revenais d'une blessure au genou. J'ai commencé à jouer pratiquement sans m'être entraîné. Mais l'équipe était tellement forte qu'après trois ou quatre matchs, la mécanique s'est mise en place comme si on se connaissait depuis toujours. On se comprenait à la perfection. Je n'avais jamais vécu cela dans ma carrière. » Mais la chute d'un prince en dit toujours un peu sur son règne. Celle de Gallardo s'est donc faite brutalement, dans la violence, réelle et symbolique. Elle s'est jouée sur les terrains et en dehors, de la part de ses propres dirigeants et même dans la presse. « Gallardo devait finir par payer et je dis même qu'il va encore payer ! Même si c'est un joueur d'exception, en provoquant ainsi et en manquant autant de respect pour les autres, il n'a pas sa place dans le championnat de France » , osera même Serge Blanc, défenseur de l'OL, dont, il est vrai, le visage était un jour entré en communion avec la salive de l'Argentin.

    Marcelo Gallardo: «  Petit, je n'aimais pas le football  »
    Lyonnais également, mais moins rancunier, Vikash Dhorasoo, confiait plus récemment que le maestro monégasque, « un joueur de malade » à qui il était « impossible de prendre la balle » , était tout bonnement l'adversaire le plus fort qu'il ait eu à affronter durant sa carrière. Gallardo était un esthète qui ne craignait pas d'embrasser les coups, c'était là tout son charme. En février 2000, deux mois avant l'embuscade dans le tunnel du Vélodrome, l'AS Monaco peut déjà presque entériner son titre de champion dans un match au sommet à Gerland. Victime d'une quinzaine de fautes en moins d'une heure et contraint de sortir sur civière après une agression de Sonny Anderson, le meneur de jeu est déjà au centre de toutes les polémiques. « C'est sur ce match à Lyon que j'ai compris à quel point Gallardo était un phénomène, se remémore Bruno Irles, son coéquipier d'alors. Plus le match était violent, plus il y retournait. C'était énorme. J'en ai vu des joueurs techniques qui disparaissent dès qu'on leur met deux, trois tampons. Marcelo, lui, c'était l'inverse. J'ai rarement revu chez un joueur créatif cette capacité à se sublimer dans la difficulté. Et, en plus, il n'avait pas le gabarit, ce n'était pas Zidane physiquement, il n'avait pas les cuisses de Benarbia... Mais c'était un phénomène. Un joueur de rue, un Argentin... Je n'en ai pas connu d'autres comme lui. »



    « Plus le match était violent, plus il y retournait. J'en ai vu des joueurs techniques qui disparaissent dès qu'on leur met deux, trois tampons. Marcelo, lui, c'était l'inverse. Il avait cette capacité à se sublimer dans la difficulté. »Bruno Irles
    Prince déchu

    « Je ne suis provocateur que sur la pelouse. Et si ça dérange mes adversaires, je m'en fous. (...) C'est sur le terrain que tout doit se passer. » Sur scène, tout est permis, surtout le spectacle. Tel était le credo de l'artiste, décrit hors des pelouses comme « un mec extraordinaire, d'une grande gentillesse. » Increvable sous les lumières, celui dont Maradona disait qu'il était « un joueur qui ouvre la voie » n'a pourtant pas su échapper à l'obscurité des coulisses. Le 7 avril 2000, l'AS Monaco se déplace au Vélodrome pour tenter de faire coup double : valider mathématiquement un titre qui lui est promis depuis l'hiver et pousser l'OM vers le précipice. « Marseille se battait pour le maintien et on en a parlé dans la semaine. Des coéquipiers avaient des échanges avec des joueurs marseillais. L'un d'eux est venu me voir la veille pour me dire : "Écoute Marcelo, ça va être chaud, ils vont venir te chercher." Moi, j'ai ri. J'ai même pensé : "Bon, un peu d'atmosphère argentine !" Et ils ont insisté : "C'est vraiment sérieux." Et je me suis dit : "Qu'est-ce qu'ils peuvent me faire ? Me donner des coups de pied comme à Lyon ? Quoi d'autre ?"  » Avant la rencontre, Blondeau gifle Simone et donne le ton de la soirée. Pas de quoi perturber Gallardo qui joue sa partition, prend son traitement habituel et se mêle aux échauffourées en première période.

    À la pause, le meilleur joueur du championnat traîne un peu et rejoint le tunnel parmi les derniers. Les caméras ont disparu, mais les témoins ne manquent pas : « Marcelo ne peut pas se défendre. Les gars de la sécurité se mettent entre nous, le staff, qui voyions que ça allait mal se passer, et lui. Ils nous disent : "Ne vous inquiétez pas, on est là." Alors qu'ils l'amenaient à l’échafaud. Ils le tiennent par les mains et ils montent les escaliers... Et là, les coups » , se remémore Jean Petit, alors adjoint de Claude Puel. Après une première altercation avec Galtier, l'Argentin, maintenu par un membre de la sécurité, est passé à tabac par plusieurs joueurs marseillais : « J'ai pris des coups de pied et des coups de poing de partout. C'était une belle expérience... (Rires.) Je suis retourné aux vestiaires ensanglanté. Mes coéquipiers étaient assis sur les bancs, comme si de rien n'était. Cette image m'a rendu fou. J'ai commencé à leur crier dessus. Au milieu du vestiaire, il y avait une table avec du jus, de l'eau, du café... Je l'ai attrapée et je l'ai jetée, j'ai renversé toute la merde et j'ai crié toutes les insultes qui me venaient. »

    «  De tous les meneurs de jeu que j'ai vus passer au club, il y en a eu deux au-dessus des autres : Hoddle et Gallardo. C'étaient des magiciens. »Jean Petit
    Prince déçu

    L'ancienne idole du Monumental, expulsée par l'arbitre dans la foulée pour « avoir mis le bordel » , n'a presque que faire de ses ennemis : il se sent trahi par les siens. « Marcelo n'a pas été marqué par l'événement en lui-même. J'en ai reparlé avec lui il y a deux ans à River, explique Bruno Irles, qui a parfait sa formation d'entraîneur à ses côtés. Ces situations où il se faisait taper, il les avait déjà vécues. Mais le manque de soutien de sa direction et même de nous, ses coéquipiers, c'est ça qui l'a marqué. Barthez venait de Marseille... À Marseille, il y avait d'anciens Monégasques... Marcelo ne connaissait pas les connivences qu'il pouvait y avoir. On ne va pas dire que Barthez a facilité le problème. Mais il y a eu ce problème. Et, derrière, Marcelo n'a pas compris certaines accolades, le manque de soutien... Ce qui est difficile, c'est qu'on est à l'AS Monaco. Pour y avoir travaillé plus de vingt ans, l'image, c'est : tu me donnes un coup sur la joue droite, je tends la gauche. On ne répond pas parce que l'image est importante pour la Principauté. » Après quelques déclarations belliqueuses de façade, Jean-Louis Campora, patron de l'ASM, mais aussi vice-président de la Ligue, renfile son costume de diplomate et décide de ne pas enfoncer l'OM. « Gallardo sentait que le club ne l'avait pas aidé, reconnaît Jean Petit. La diplomatie... Je crois qu'il y a eu un transfert entre les deux clubs pour calmer l'affaire... On a connu les années Tapie... C'était difficile à accepter. Avec Arsène (Wenger), Claude (Puel), Jean-Luc (Ettori), on connaît les trucs... L'affaire n'a pas vraiment eu de répercussions à la Ligue ou à la Fédé. Comme si ça avait été classé sans suite. Les seuls qui ont essayé de faire la guerre pour Gallardo, c'est l'UNFP argentine. »



    La cassure au sein du club, bien qu'adoucie par le titre acquis la semaine d'après, est irréparable. Le génie de Gallardo est-il mort dans ce tunnel ? Pas tout à fait. Mais, si l'Argentin a continué à manier le sceptre avec brio de temps à autre, son envie de gouverner le jeu n'a plus jamais semblé aussi viscérale. Car son Monaco, lui, était déjà mort. Était-il plus fort que celui des autres princes ? Probablement pas. On ne peut mettre à son crédit la longévité, l'aura européenne ou les folies statistiques dont peuvent se targuer d'autres grandes équipes de l'ASM. Mais sa force réside justement dans le fait qu'il n'en a pas eu besoin. Il laissait dans son sillage une impression, une sensation, un parfum. Un parfum qui ne tient pas, mais qu'on n'oublie pas. « Il n'avait pas la maturité du Monaco 1997. Mais ce qui était marquant, c'est cette impression de découvrir un nouveau football, de nouveaux types de joueurs, ce football sud-américain. J'avais la sensation de m'ouvrir au football international. Gallardo, Márquez... Ils m'ont apporté une autre vision » , souligne Bruno Irles. Du haut de son demi-siècle sur le Rocher, Jean Petit appuie d'un dernier regard : « Esthétiquement, c'était... Ce Monaco fait à mon sens partie de ceux qui ont fait le style, l'âme de Monaco avec celui de 1960-1963 et celui de 1978. Et, de tous les meneurs de jeu que j'ai vus passer au club, il y en a eu deux au-dessus des autres : Hoddle et Gallardo. C'étaient des magiciens. »
    Label "El-Kl0chard". Pour ceux qui n'échangeraient pas un bac de lessive Omo contre deux d'Ariel.

  4. #4
    Leslie Nielshun Président d'honneur Avatar de Shun
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    MARTIN DJETOU : « MÁRQUEZ, JE L'APPELAIS PETE SAMPRAS »

    Rouage important de l'AS Monaco entre 1996 et 2001, Martin Djetou revient sur son second titre de champion de France, les débuts de Claude Puel en tant qu'entraîneur et l'affaire du tunnel du Vélodrome.

    La particularité avec l'ASM de la saison 1999-2000, c'est cette impression d'osmose presque immédiate. Quelle en a été votre part ?
    Avant le début de saison, le président Campora nous avait dit : « Punaise les gars, ce serait le top si on avait ce titre-là... » C'était le changement de siècle, on avait à cœur de bien faire. Ça pouvait venir de partout avec cette équipe, parce qu'on avait des joueurs de tous les profils : vitesse, jeu dans les couloirs, frappes de loin, jeu de tête... On était complets. Il y avait beaucoup de jeunes, mais on avait aussi la grinta, l'expérience, la technique de Simone, de Gallardo... Moi, j'avais le goût du combat, des duels, de la conquête du ballon. Tigana et Puel m'appelaient le guerrier. Quand Claude Puel était joueur, j'entendais dire que c'était le joueur sur lequel on ne comptait pas, mais, finalement, dès que le coach faisait son équipe, c'était le premier nom qu'il mettait sur le tableau. C'était un vrai soldat, comme moi. Je me reconnaissais en lui. Je suis assez discret, mais quand il fallait dire les choses, j'y allais. Et j'étais super bien entouré. Un joueur comme Costinha disait aussi ce qu'il avait à dire. Moi, je préférais donner le ton, dans l'entame de match, l'intensité... Une fois, Benarbia (son coéquipier à l'ASM de 1996 à 1998, N.D.L.R.) m'avait dit : « Djet', quand on doit gagner, on regarde dès le début de match si tu gagnes ton premier duel. Si on voit que t'es pas dedans, on sait que ce soir, on ne va rien espérer. » C'étaient des super mots. J'étais dans ce registre-là. En 2000, Lamouchi, Simone ou Barthez prenaient plus facilement la parole.

    Avez-vous tout de suite senti Claude Puel à l'aise dans son nouveau rôle ?
    Quand je suis arrivé à Monaco en 1996, Claude était toujours le premier habillé avant le début de l'entraînement. Parfois, il faisait même presque sa petite séance avant l'entraînement. La première fois qu'on se croise réellement, il est déjà habillé et on est convoqués dans le bureau du coach. Il lui annonce qu'il ne compte pas sur lui cette année-là, qu'il veut faire confiance aux jeunes... Tigana échange beaucoup avec Claude et lui dit qu'il se doit de passer ses diplômes. Lorsque Tigana est parti et que Claude l'a remplacé, il lui a fallu logiquement trouver ses marques. Au début, ce qui a failli lui faire défaut, c'est d'écouter un peu trop tout le monde. Il voulait tellement bien faire qu'il était un peu trop dans l'échange. La preuve : une fois, alors qu'on était en train de travailler les coups de pied arrêtés, Claude avait son idée exacte de ce qu'on devait faire, mais il avait eu la curiosité de demander à Marco Simone comment on faisait à Milan. C'était sûrement pour son apprentissage personnel. Sauf que Marco Simone avait son idée derrière la tête et il faisait comme si c'était lui le coach ! (Rires.) Nous, ça nous dérangeait un peu. Mais après, il a été assez intelligent pour tout gérer lui-même. On a crevé l'abcès avec les anciens. Moi-même, j'avais dit : « Claudus, moi, j'ai rien après toi, je ne suis pas là pour rentrer dans les histoires de pourquoi lui il joue et pas lui, pourquoi lui gagne plus que lui... » D'ailleurs, il m'avait invité chez lui avec Wagneau Eloi pour discuter. Parce qu'à un moment, quand on faisait des petites sorties entre nous tous, les Sud-Américains ne venaient jamais. Ils restaient entre eux, à organiser autre chose à côté. Malgré ça, on a eu le titre de champion, on était intelligents, on savait ce qu'on voulait, ça s'est super bien passé.

    Puel était dans la même lignée que Tigana dans son management ?
    C'était différent de Tigana. Il y a deux écoles quand on passe les diplômes d'entraîneur. Celle qui dit qu'on doit être en dehors du terrain pour voir ce qu'il s'y passe. Et celle qui dit qu'on doit être proche de ses joueurs, au milieu. Tigana se mettait sur le banc quand il y avait l'entraînement et il regardait. Et, quand l'entraînement était terminé, il avait son opinion, et son adjoint avait la sienne. Ils échangeaient et ils savaient si un joueur avait triché sur la séance, qui était en méforme, en grande forme... Et, souvent, ils se rejoignaient. Quand tu es au milieu, tu vois certaines choses, mais pas tout. Des gens en vacances voyaient Tigana tout le temps assis et se disaient : « C'est pas lui qui entraîne. » Bien sûr que si. Il préparait la séance, il expliquait et quand ça devenait très technique, il prenait le recul et observait la séance. Deschamps fait parfois pareil avec son super adjoint. Et lorsqu'il a besoin de faire passer une info ou une idée, il reprend les rênes. Pareil pour Blanc et Gasset. Jean-Louis Gasset, je l'ai eu à Istres. Il était très très fort. Mais il faut un adjoint et un gars au-dessus, tu ne peux pas tout faire. Si tu as la chance de trouver l'adjoint qu'il te faut, tant mieux. Claude, lui, avait encore son âme de joueur. Grégory Coupet m'avait dit un jour que Claude Puel s'était pété le nez une fois à l'entraînement à Lyon. Et que c'est à ce moment-là seulement qu'il aurait arrêté de participer aux séances.



    Lors du titre de 1997, il était adjoint, en charge de la préparation physique. Ça a influé sur sa manière de préparer l'équipe pour la saison 1999-2000 ?
    Évidemment. Déjà, en tant que joueur, il avait une VMA énorme. Claude avait un rythme cardiaque équivalent aux meilleurs cyclistes français. Tu le couches sur un lit, ça fait « poum » . Tu attends, tu n'entends plus rien. Et puis « poum » . (Rires.) C'était énorme. Ça a été prouvé. À un moment, on a voulu savoir qui était plus fort que qui. Et les trois meilleurs VMA du club étaient Claude Puel, Moussa N'Diaye et David di Tommaso, paix à son âme. Pourtant, dans le groupe, il y en avait d'autres avec une grosse VMA... En tant qu'entraîneur, il démontre encore aujourd'hui que tout guerrier qu'il est, il a une intelligence énorme, notamment dans sa façon de former les joueurs. J'ai adoré ce qu'on a fait ensemble.

    Ce qui ressort le plus des témoignages autour de cette équipe, c'est la notion de plaisir.
    On le ressentait même à l'entraînement. Le lendemain des matchs, ceux qui avaient joué devaient faire un footing de dix ou vingt minutes. Et ceux qui avaient peu joué ou n'avaient pas joué, après le footing, ils faisaient un petit jeu avec les titulaires. Derrière, la séance commençait pour ceux qui n'avaient pas joué. Mais c'était pas un petit jeu en fait, c'était un match intensif ! Le Prince arrivait et disait : « C'est pas les mecs qui ont joué hier qui s’entraînent là, c'est pas possible ! » Ça taclait... Mais tout le monde était tellement concerné qu'il n'y a jamais eu de blessé ! Et, parfois, Claude disait : « On arrête la séance, vous avez assez donné. » Avant même que la vraie séance n'ait commencé pour ceux qui n'avaient pas joué. Ceux qui voulaient vraiment travailler un truc spécifique derrière pouvaient, mais, sinon, il disait stop parfois. Le petit jeu durait parfois une heure et demi facile. On ne se rendait pas compte de la charge de travail tellement on était imprégnés de plaisir, impliqués.

    Quels coéquipiers vous ont particulièrement marqué cette saison-là ?
    Derrière, Márquez. Je l'appelais Pete Sampras. Il était très jeune et il avait plus de barbe qu'aujourd'hui, c'était la force tranquille. N'Doram m'avait dit une fois : « Mais tu sais, Martin, un défenseur qui est toujours par terre, c'est un défenseur qui est en retard. » Márquez avait une qualité de pied, un super timing alors qu'il n'était pas si grand que ça, une intelligence de jeu... Il n'était pas rapide, pas épais. C'était quelqu'un de normal ! Et puis, tu ne l'entendais pas. Sinon, Gallardo évidemment. En fait, Gallardo, il était tellement facile que la plupart des clubs avait mis une pièce sur sa tête. C'est comme dans l'histoire de Pelé, de Maradona ou Messi : à un moment donné, faut les couper. À Marseille, il se fait emplafonner. Simone et Lamouchi se font gifler... Les gens disaient qu'il chambrait. Mais non, c'était son jeu. Il était tout simplement doué. Gallardo avait l'art de te faire sortir de ta zone de confort. Il rentrait dans ta tête. Tu ne pensais plus à jouer intelligemment, tu ne pensais plus qu'à lui. Et quand il rentrait dans ta tête, c'était fini parce qu'il savait exactement de quel côté il allait t'emmener, quel appui tu allais prendre... C'était impressionnant. Il avait le vice, la technique, la vision du jeu, le dernier geste, les coups de pied arrêtés... Le seul truc qu'il n'avait pas, c'était le jeu de tête.

    L'histoire du tunnel du Vélodrome semble être le point final symbolique de cette équipe. Comment l'avez-vous vécue à titre personnel ?
    Ça a cassé quelque chose en moi. Quand j'étais petit, alors que j'habitais Paris, dans ma tête, c'était Marseille, Marseille... Et quand je vois que pour gagner un match, tu te fais casser la gueule, insulter... Je n'ai jamais compris ce truc. Il y avait deux endroits où c'était difficile : Bastia et Marseille. On avait dit au président qu'on ne voulait pas reprendre la seconde mi-temps. Et puis, finalement, on nous a demandé de réagir comme des professionnels : on y a été pour faire notre job. La plupart des jeunes ont été choqués. À la mi-temps, avec Dado Pršo, on arrive. Marcelo était par terre avec Jacques Abardonado sur lui... Galtier était là aussi. Les vigiles avaient fait une haie pour qu'on ne voie pas que Gallardo se faisait tabasser. Avec Dado, on a sauté dans le tas. Les vigiles ne nous ont pas touchés. C'étaient des molosses, donc s'ils nous avaient mis une droite... C'était juste de l'intimidation, le temps de nous retarder pendant que Gallardo se faisait tabasser. Et, quand j'arrive à passer, je chope Abardonado et il me dit : « Nan, nan, Djet', je te jure, j'étais pas en train de le tabasser, j'étais en train de le relever ! » Mais les petits jeunes de notre équipe, quand ça a commencé à chauffer, ils ont eu peur, au lieu de donner un coup de main, ils sont rentrés de suite dans le vestiaire. Avec Dado, on a dit : « Les gars, on a un collègue qui se fait tabasser, il faut y aller ! » Gallardo a gueulé dans le vestiaire. Si Dado et moi n'étions pas arrivés, il se serait fait terminer.



    Le groupe ne s'est ensuite pas relevé du mercato estival...
    Ça résume toute l'histoire de l'AS Monaco. Les cinq saisons où j'y étais, le recrutement était réfléchi, mais dès qu'on faisait une bonne saison, il y avait des départs. Et on avait toujours du mal à repartir, on perdait du temps et des points en début de saison. Nous, on aurait voulu continuer avec l'équipe de 1997, par exemple. La chance en 2000, c'est que la mayonnaise a pris de suite. C'est rare. La fête du titre a été belle. Il n'y a pas si longtemps que ça, j'ai ressorti des photos. J'étais avec Riise, Farnerud... Il y avait un monsieur qui avait un restaurant qui s'appelait le Loga Café. C'était devenu ma cantine parce c'était le seul qui savait faire le riz. Moi, je mange de tout, mais il me faut du riz... Et je ne sais pas comment on s'est retrouvés dans sa voiture, mais on ne voyait même plus la voiture tellement il y avait de monde dedans. Je crois qu'il a dû l'emmener chez le garagiste ensuite parce qu'il n'y avait plus de suspensions... (Rires.) C'était magnifique. Ce titre, je l'ai même mieux fêté que le premier. Quand j'ai signé à Monaco, Raymond Domenech, mon coach en espoirs, m'avait dit : « Mais tu ne veux plus jouer au foot ? » Parce que dans sa tête, Monaco, c'était le soleil, les gonzesses et les belles voitures... Il croyait que je partais là-bas pour profiter. Moi, je savais pourquoi j'allais là-bas : j'avais ma femme, un enfant, j'allais en avoir un deuxième... Et j'ai fait le bon choix : deux titres de champion, deux demi-finales de Coupe d'Europe... Franchement, top, là, je suis dans mon bureau, je vois encore la petite médaille. C'est cette année-là que le prince avait offert une Breitling à chaque joueur. Malheureusement, je me suis fait voler la mienne. Donc je sais que pendant qu'on en parle, il y a quelqu'un qui porte ma Breitling ! (Rires.)
    Label "El-Kl0chard". Pour ceux qui n'échangeraient pas un bac de lessive Omo contre deux d'Ariel.

  5. #5
    Star internationale Avatar de Mimo
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    Merci pour le partage Shun.

    Sinon "Quand j'ai signé à Monaco, Raymond Domenech, mon coach en espoirs, m'avait dit : « Mais tu ne veux plus jouer au foot ? » Parce que dans sa tête, Monaco, c'était le soleil, les gonzesses et les belles voitures... Il croyait que je partais là-bas pour profiter." ...

  6. #6
    Colosse du milieu Avatar de TimeBomb
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    Merci pour le partage, j'avais pas vu que ça avait été posté ici, en espérant que ça vous plaise, bonne lecture

  7. #7
    Entre à la 88ème
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    Absolument géniale, notamment l'interview de Claude Puel. Ce titre est un souvenir magnifique, mais évidemment, à l'époque, nous n'avions pas au temps accès au ressenti des membres du l'équipe et du staff qu'aujourd'hui, ces articles viennent un peu compenser ce manque.
    Merci beaucoup TimeBomb !

  8. #8
    Avatar de giancarlo
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    On peut dire ce qu'on veut sur 2020, au moins elle se termine bien
    Faut pas se laisser gagner par l'euphorie de croire que l'on est un homme important Louise Attaque

  9. #9
    Entre à la 88ème
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    Merci pour ces superbes articles. Si j'avais un souhait à émettre, ce serait qu'une plume se devoue pour revenir sur les années Wenger/Tigana/Puel et que les secrets du football Français soient enfin dévoilés. L'OM revient encore une fois comme un club de merde dans tous ces témoignages, suivi par l'OL...

  10. #10
    Super Sub Avatar de wowo971
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    En effet de même avis sur les 2 clubs cités qui fait que mon ressenti vis-à-vis de ceux-ci est renforcé.

    Sinon quelle belle année c'était avec l'euro 2000 sur un bu T de David en finale.
    Dommage quand même que la fin de saison soit partie en cacahuète et que l'année d'après également.

    Comme quoi la mauvaise gestion d'après titre est aussi un rituel peu importe les dirigeants
    ASM FC et David Trézéguet forever !!!

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