Courbis le Monégasque
De Dominique Rousseau, 7 Décembre 1998
Chaque fin de semaine, l'entraineur marseillais de l'OM retourne à Monaco. Il y est comme chez lui. Une situation paradoxale a la veille d'un match retour fraticide. Histoire d'un héros en terre "ennemie".
Si c'était une fable, il serait le loup, mais Monaco n'est pas une bergerie. Le coq ? Il ne saurait être question de basse-cour en Principauté. Si c'était une comédie, il serait Peppone ou Raimu, mais Jean Tigana n'a rien de Don Camillo ou Fernandel. Comment décrire la relation de Rolland Courbis à Monaco ? Un peu comme suit : si l'OM se qualifie contre son adversaire Monégasque, mercredi, le drapeau noir va flotter sur la marmite d'Alain Ducasse, le chef étoilé de l'hotel de Paris. A 17 heures pétantes, quelques dames de l'establishement se proposent en effet d'y faire sauter force bouchons de champagne afin de fêter ça. La victoire de l'OM ? "
Non, non, celle de Rolland ! Parcqu'il est notre héros". Il est donc le pirate adoré pour celles qui comptent parfois dans leur famille un ancien président du Milan AC ou de la Sampdoria de Gênes.
Recruter pour muscler le jeu de l'ASM
Il y'a vingt ans, Coubris aborde pour la première fois l'endroit, en force. Le stade Louis-II, première version, avec l'éléphant du zoo voisin en resquilleur d'honneur, est alors souvent le théatre du beau jeu, lequel ne paye pas toujours. L'AS Monaco navigue entre la Division 1 et Division 2, remonte a l'été 1977 et comprend qu'elle doit muscler son jeu. Rolland Courbis est recruté pour cela : "
Nous sommes cinq a arriver a cette intersaison a l'initiative de Jean-Louis Campora : Noguès, Vitalis, Moizan, Gardon et moi. Pas exactement un recrutement poétique. On va dire qu'on apporte un certain dynamisme aux Dalger, Petit et Onnis. Monaco n'avait pas été champion depuis l'époque des Douis, Théo, Cossou au début des années 60, et nous, on le devient en 1978. Aujourd'hui quand tu parles à un supporter monégasque d'un certain âge, il ne va pas évoquer en premier le titre de 1982 iu 1988, mais celui-là. Et c'est aussi le début d'ubne époque ou l'ASM n'est plus jamais redescendu en Division 2, et n'a raté que deux ou trois fois une place européene en vingt ans".
Ce Monaco n'est effectivement plus le même. Derrière, il y'a Vanucci, Courbis et Vitalis, dit "le Marquis" et la mémoire de l'éléphant fourmille de tacles mémorables. Comme celui de bienvenue dans la carrière de Courbis à Stopyra : "
J'avais pour habitude, raconte l'ancien, de faire stratégiquement une grosse faute dans les cinq premières minutes, et plus l'ombre d'un coup-franc dans les quatre-vingt-cinq autres. Comme ça, le gars pouvait se demander si par hasard je ne l'avait pas en fait raté la première fois, se persuadant qu'il pourrait y avoir une deuxième a tout moment... Moi, on se souvient de ça. Dalger, c'était ses dribbles, et Onnis, ses buts. C'est comme ça. Quand je vois le traitement que subissent nos attaquants a l'OM aujourd'hui, je peux te dire que nous quand Dalger ou Onnis étaient ennuyés, sur un corner, dans un couloir, à la mi-temps, il y'aurait eu problème avec Moizan, Gardon, Vitalis, Vanucci et moi".
Un réel attactement pour la Principauté
C'était une autre époque : "
Après les matchs, c'était rendez-vous chez Arturo, la pizzeria. Le problème diététique, c'était de savoir si ta pizza, tu la choisissais anchois ou fromage. Et accompagné d'eau plate, on ne pouvait pas dire que c'était digeste... Une fois, avec Correa, on rentre d'un déplacement à Bastia et on fait un détour ou Jimmy's. Le lendemain, j'étais dans le bureau de Campora. Quand il te reçoit comme ça, ce n'est pas qu'il crie, mais tu es mal...".
De Sochaux a Monaco, puisque c'était le parcours de Rolland Courbis, il y'a un monde. Mais il relativise : "
Il ne faut pas croire qu'ici, il n'y a que des gars qui prennent leur rolls pour aller au casino. Il y'a des gens simples, des méridionaux. Les joueurs, ils habitent Cap-Martin, Cap-d'Ail, moi j'habitais a la Turbie. Là, tu te retrouves dans les Alpes-Maritimes avec des gens qui ressemblent a ceux de chez moi. Moi, je passe trois ans a Sochaux avant d'aller à Monaco et à la Turbie, c'est comme si j'étais chez moi, avec des gens qui ont un accent proche du mien".
Vingt ans après, Rolland Courbis fait pratiquement tous les weekends le déplacement de Marseille à Monaco. Pour des raisons privées, mais l'attachement de ce Marseillais type pour cette Principauté qui ne lui ressemble en rien est aussi réel : "
C'est un endroit qui me plaît, c'est vrai. Et puis malgré toute la sympathie que j'ai pour Cassis ou Bandol, des endroits ou j'ai passé toute ma jeunesse, quand je termine un match et tout ce qu'il y'a après, si je dois passer le reste du repos que j'ai a répondre pourquoi, lui je ne l'ai pas fait sortir avant, pourquoi, lui, il raté ça... rapidement je peux fatiguer psychologiquement. Ici, une fois que j'ai rencontré sept ou huit personnes et qu'on s'est charrié, je souffle, je décompresse, je recharge les accrus et je peux rentrer dans le volcan". Et c'est à Monaco qu'il s'est fait son palmarès de joueurs : "
En cinq ans, on a été européens a chaque fois en remportant deux titres de champion et une Coupe de France. Quinze ans après, cela veut dire que je suis pour Monaco quand on ne les rencontre pas".
A l'hôtel de Paris, Rolland Courbis a table ouverte. A quelques jours du match retour contre l'AS Monaco, à part ses "groupies" et les membres du personnel qui viennent lui faire part de la confiance dans la qualification de l'OM, la présence du loup n'effarouche personne. Il est ici comme chez lui. Et si cela le devenait vraiment ? Entraineur de l'AS Monaco ? Lui, Rolland Courbis, le sulfureux ? "
Il a été question que cela se fasse il y'a deux ans, raconte l'intéressé. J'ai eu des bruits en provenance de la Principauté de la part d'amis qui m'ont dit qu'il en était question. Mais cela n'a pas été plus loin".
Si c'était un film, on dirait qu'il y'a dans le scénario, "des gentils et des méchants" et un pirate armé d'un sabre. L'action est en cours, on ne connaît pas l'épilogue.
Ce que l'on sait, c'est qu'a la fin de cette semaine, Rolland Courbis retournera à Monaco. Il sera l'entraineur de l'OM, vainqueur de ou éliminé par l'équipe locale. Deux ou trois plaisanteries et cela n'ira pas plus loin. Il sera là, en ville. Là-haut, à la Turbie, Jean-Luc Ettori entraînera les gardiens. Dans les bureaux de l'AS Monaco, au stade Louis-II, il y'aura Jean Petit. Eux, ses anciens coéquipiers, sont restés au club. Lui, il est là sans être là. Mais, demain soir, ils seront face a face, et ce sera sans pitié.
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